Regarder l’invisible
Le Big-Bang, la croissance de l’univers
Sentir l’imperceptible
Les phéromones, les électrons dans l’air
Entendre l’inaudible
Les messages du vent, les plaintes de la terre
Toucher l’incoercible
Le carmin de l'été, la pâleur de l'hiver
Goûter l’insipide…

Ecrire, c’est tendre un fil entre le monde et l’indicible.








1 - Le col de l’Encrenaz (Thomas)






''Le ciel dégagé avait donné une nuit froide. Le vent, en persistant à l’est, avait fini par chasser les épaisses couches de nuages encore présentes la veille, et la voûte céleste s’était offerte dans son immensité, la nuit durant, promesse d’une belle journée à venir. En contrepartie, la température affichait des ambitions polaires. Le froid semblait vouloir museler la montagne. Pas un souffle, pas un bruit pour rompre le silence qu’imposait la rigueur hivernale. La clameur des torrents s’était, depuis des mois, évanouie sous le bâillon des glaces. L’eau, la vie, demeuraient en suspens, figées dans les reflets bleutés du cristal. L’épais manteau neigeux absorbait le moindre son, la plus petite respiration.
Il était difficile de croire que ces terres, pendant les mois d’été, pouvaient être le lieu de concerts animés. Que les cloches des troupeaux pouvaient y résonner, se répondre en échos, d’un alpage à l’autre. Il n’y avait pas le moindre frisson, pas la plus petite rumeur susceptible de dénoncer une présence animale, domestique ou sauvage. Pas un éboulement pour trahir les mouvements d’un groupe de bouquetins ou la fuite d’un chamois. En ce mois de janvier, l’hiver imposait son silence, et la montagne attendait pour vibrer des heures plus clémentes.
De telles conditions obligeaient Thomas Pellier à progresser lentement, pour que l’air ne lui brûle pas les poumons. Rythmé par la plainte feutrée de la neige, dont la couche gelée en surface crissait sous ses chaussures à chacun de ses pas, Thomas marchait, affrontant la morsure du gel avec obstination. Faiblement éclairé par un croissant de lune trop maigre, il avançait pourtant sans une hésitation, sur cet itinéraire qu’il connaissait par cœur. Le sentier avait entièrement disparu sous le manteau neigeux, mais il progressait sans peine, avec le calme et l’assurance que lui conférait la parfaite connaissance des lieux. Il en connaissait tous les pièges, à un point tel qu’il se serait volontiers essayé un jour à le suivre en aveugle.
Parti depuis une heure de son hameau des Vuargnes, il avait d’abord coupé à travers bois en direction des Mouilles. Puis, laissant le chalet du vieux Gaudenier sur sa droite, il avait rejoint Malacquis par les immenses étendues blanches des pâturages que camouflait l’hiver. Il avait marqué ainsi de son empreinte cet océan de neige, jusqu’au pied du Bargy. Autour de lui, les mélèzes, en fidèles sherpas, le suivaient dans sa progression en ployant sous leurs charges de neige. En face de lui, se dressait l’imposante paroi sur laquelle se devinaient, dans l’ombre, les contours familiers du visage de géant sculpté par l’érosion dans la roche calcaire.


Thomas contourna le lac Bénit, gelé en cette saison, en prenant par la droite puis s’attaqua à la pente abrupte qui le mènerait bientôt dans la vallée voisine. Encore une demi-heure de marche, le col de l’Encrenaz, et il aurait en vue le village du Reposoir, son ultime destination.
Du versant nord de ce massif de Bornes qui l’avait vu grandir, il basculerait alors vers l’endroit, le flanc sud. Il aimait plus que tout cet itinéraire. Il l’avait effectué à de maintes reprises, et en toutes saisons, mais ne s’en lassait pas. Il trouvait seulement dommage cette fois-ci de devoir passer le col trop tôt pour être au rendez-vous du lever du soleil sur les Aravis et le Mont Blanc non loin.
Thomas s’était levé vers quatre heures, alors que le feu encore rougeoyant menaçait de s’éteindre. Quand il avait soulagé de quelques mouvements rapides de tison, le foyer des cendres de la nuit, Marion n'avait pas réagit. Il avait rajouté quelques bûches et la flambée avait eu vite fait de renaître. Les flammes avaient enveloppé les rondins de fayard avant même qu’il n’ait remis en place les cercles de fontes sur l’âtre de leur poêle à bois. En proie à un sommeil agité, Marion était demeurée sans réaction, en dépit de cette animation, de la présence de ces bruits accompagnant habituellement les tâches matinales. Durant tout le temps qu’il avait mit à se préparer, elle était restée alitée, emmitouflée sous l’épais édredon de plumes.
Après s’être occupé du feu, Thomas s’était préparé pour la marche. Il avait déjeuné, debout, près du poêle, d’un bol de lait tinté d’un reste de café et de quelques tranches de pain beurré. Puis, il s’était habillé chaudement, en prévision des conditions sévères qui l’attendaient dehors.
Il avançait maintenant, dans la pénombre de cette fin de nuit, bien loin de la chaleur douceâtre diffusée par le poêle. La régularité de son pas, la douceur des bruits feutrés par la neige, l’air vif qui lui piquait la gorge, tout l’apaisait, comme pour lui faire oublier où il se rendait.

Cela faisait six mois qu’il participait à des missions de ce genre. Il n’avait jamais vraiment rencontré de patrouilles ennemies, en avait vu quelques-unes tout au plus sillonner, plus bas dans la vallée, mais savait bien qu’elles s’aventuraient rarement à de telles altitudes. Il n’avait pu s’empêcher toutefois de ressentir une certaine appréhension même si, cette nuit encore, il ne croisa personne. Il rejoignit sans heurt le point de rendez-vous, y fut même en avance et patienta en se roulant une cigarette d’un mélange de tabac brun et de feuilles de tussilage séché. Une façon d’économiser le pétun qui lui restait. Il éprouva un plaisir simple à tirer sur sa cibiche avant que les autres n’arrivent, songeant à ce que Vérone lui aurait dit s’il l’avait surpris ainsi. Comme il l’avait déjà fait à maintes reprises, sans nul doute lui aurait-il fait remarquer que le bout incandescent d’une cigarette était une excellente cible dans la nuit pour les fusils allemands.
Vérone était leur chef. Avec les autres, il leur avait donné rendez-vous au carrefour situé à l’entrée du Reposoir, sur la route qui relie le village à la vallée de l’Arve. De là, ils devaient se rendre à Thônes, point de rencontre avec la section Saint-Hubert, basée depuis quelques temps dans les chalets isolés du plateau des Glières. Ce dernier, devenu la zone de largage privilégiée de la Royale Air Force pour le soutien logistique anglais au maquis alpin, préparait le harcèlement de l'ennemi lors du débarquement attendu des Alliés.
Ils devaient cette fois-ci récupérer des armes et des munitions, ainsi que du matériel radio qu’ils attendaient depuis longtemps. Peut-être y aurait-il aussi, comme lors de précédents parachutages, quelques tablettes de chocolat et des cigarettes anglaises.
Ce fut Antoine Callier, dit Toussaint, qui le rejoignit le premier. Ils échangèrent quelques mots. Des mots simples, entre paysans de montagne, quelques phrases pour prendre des nouvelles des hommes, des bêtes, pour échanger leur point de vue quant aux évolutions possibles du temps. Des phrases courtes, sans surcharge. Des mots concis, trapus, des mots puissants. Des mots à l'image des hommes qui les disaient, à l'image des montagnes qui les entouraient.
Par la suite, arriva Arthur, alias Vérone, au volant de la camionnette, accompagné de Lucie qu’il avait sans doute dû croiser sur la route.
En l’absence de Marion, clouée au lit par une méchante grippe, leur section était maintenant au complet. Ils allaient bientôt pouvoir partir.''




***




- Alors, Arthur ? qu’est-ce que t’en penses ? me demanda Thomas.
- Pas mal, j’ai fait, pas tout à fait sincère.
Ce que j’en pensais, à cet instant, c’était surtout que ça cassait pas trois pattes à un canard. Une demi-page de clichés Ushuaia pour exacerber la beauté de la nature et contraster sans doute, dans un chapitre à venir, avec les horreurs de la guerre : c’était même presque ringard, à y regarder de près. On avait tout de même échappé aux sifflets stridents de quelques marmottes en vigie pour annoncer l’approche d’une patrouille de Fritz, flanquée d’un chien du même poil, mais pour combien de temps ?
Bien sûr, Thomas avait accepté d’entamer et il méritait à ce titre un minimum d’indulgence, mais quand même ! C’était pas avec sa nostalgie à deux euroballes de ses Alpes envolées, son ambiance Frison-Roche – sans le style – qu’il nous permettrait de concourir à un prix littéraire, voilà ce que je me disais.

Chacun sait que le premier chapitre, la première page, parfois, suffit à condamner un manuscrit aux profondeurs abyssales des tiroirs de l’oubli. Et quand bien même la suite aurait pu sauver cet incipit sans saveur, je restais là sur l’idée qu’on ne tenait pas avec sa proposition la meilleure des entrées en matière : la parabole de la métamorphose, le remake du vilain petit canard, la mutation de la chenille urticante en un papillon aux couleurs chatoyantes, la promesse que laisse en bouche un vin de garde servi trop jeune, je pourrais multiplier les métaphores et réussir à convaincre quelques lecteurs indulgents, parmi notre entourage, je n’arriverais sûrement pas à tromper un jury de concours littéraire, encore moins un éditeur.
Au terme de notre aventure, à l’heure où j’insère entre nos productions initiales ces quelques commentaires, je dois bien admettre que je me trompais lourdement.
J’étais bien incapable alors d’imaginer les véritables enjeux d’une telle entreprise. Etre édité ou non, et même, obtenir un satisfecit dans ce fameux concours, était loin de constituer l’essentiel.
La portée de nos écrits, leurs conséquences directes sur nos vies, au terme de nos efforts, dépassent de beaucoup mes ambitions d’alors, pour tout dire narcissiques et même un peu puériles. Et d’ailleurs, quel que devait être le résultat de notre travail de groupe, je n’avais pas le droit de juger si prématurément la contribution de Thomas de manière aussi dure. Après tout, Tom, il était comme les autres : il s’engageait dans cette aventure sans autres prétentions que de s’essayer à ficeler quelques tranches de fiction et de nous les livrer dans un paquet cadeau, avec un beau ruban autour.

Avec Thomas donc, et avec quelques autres de mes plus proches amis, cela faisait plusieurs années que l’on se retrouvait, régulièrement, pour des séances de jeux, jusqu’au petit matin. Un minimum syndical établit à une soirée par semaine dans les périodes les moins fastes, celles dévolues aux obligations familiales ou aux révisions d’examens, mais un rythme de croisière beaucoup plus proche de deux.
Nous avions d’abord vite fait le tour des jeux de société – Tarot, Yams, Trivial – sans réelle conviction. Nous tenions surtout avec ces classiques le meilleur des alibis pour nous coucher trop tard, saboter nos études, du moins pour ce qui me concerne, et nous saturer de tabac et d’alcool, bref regrouper en un même espace-temps les ingrédients qui entretiennent l’illusion de liberté et de jeunesse.
Après quelques cordiales échauffourées autour du plateau de Trivial, nous avions ensuite frotté nos egos respectifs dans d’interminables parties de jeux de rôles, et comme l’ambiance de nos soirées devenait presque studieuse, que nous y buvions moins afin de garder l’esprit suffisamment clair pour mettre en place nos stratégies, élaborer nos tractations d’alcôves, nos alliances et trahisons, notre groupe avait fini par se réduire, si bien qu’il ne comportait plus que ceux que je considère comme mes rares vrais amis. Une poignée d’irréductibles avec qui je partage encore aujourd’hui la plupart de mes activités.
En plus de Thomas, cette petite troupe compte également Marion ; Avec Tom, on peut dire que nous sommes tous les trois des amis de longue date. Je connais le premier depuis les années de lycée. Après le bac, c’est encore ensemble que nous avons usé nos jeans sur les bancs de la fac. Durant nos années universitaires, c’est en donnant des cours aux étudiants de première année d’une école du campus que Thomas, le premier, a rencontré Marion. Elle a par conséquent quelques années de moins que nous.
C’est elle, par la suite, qui a invité Antoine à l’une de nos soirées. Ils travaillent tous les deux dans la même entreprise. Sans vous dire laquelle, vous ne serez pas étonné tout de même de savoir qu’elle a de près ou de loin quelque chose à voir avec les grosses bêtes qui volent, parfois à très faible altitude, au-dessus de Toulouse et de sa proche banlieue. Quoiqu’il en soit, c’est après avoir sympathisé au boulot avec ce grand gaillard un peu gauche, que Marion l’a un jour invité à partager nos aventures et qu’il fait depuis partie de notre cercle.
C’est enfin ce même Antoine qui est venu un soir, il y a quelques mois, accompagné de Julie, qui dès le premier jour a été appréciée par tout le reste du groupe. D’elle, je sais très peu de choses, même si je l’aime beaucoup. Elle a quitté Paris La Grise pour rejoindre la Ville Rose voilà un an ou deux. Elle a connu Antoine à l’hôpital Purpan où elle travaille comme infirmière. Antoine, lui, y séjournait pour de longues semaines, suite à un accident de moto. C’était il y a environ six mois, aux alentours de pâques ; une chute assez futile, dans un virage glissant, mais qui lui a laissé la jambe en mille morceaux. On vient de l’opérer de nouveau, pour le débarrasser de ses broches, une ultime épreuve de laquelle il se remet doucement.
Voilà en quelques mots le portrait des membres de notre petit cercle, et si nous sommes cinq, n’y voyez aucune velléité à vouloir nous constituer en un club concurrent à celui de nos lectures de jeunesse, seulement la volonté d’une bande de trentenaires pas tout à fait matures, de partager quelques-unes de nos soirées de détente dans le décor à dominante de rose que nous offre le centre toulousain.

En l’occurrence, nous venions d’achever une partie de Donjons et Dragons – d’un grand coup d’épée entre les deux yeux, aurais-je tendance à dire, les elfes et les gobelins ne nous passionnant plus autant qu’avant – et comme nous cherchions un cadre pour de nouvelles soirées, nous avions convenu, sur mon idée, de tenter une expérience nouvelle avec l’écriture. Bien que nous fussions tous à priori, tant sur le plan professionnel que sur celui de nos loisirs, à des années lumière de ce type d’exercice, celui-ci s’était imposé presque naturellement. Les jeux de rôle y avaient sans nul doute contribué, ayant su aiguiser notre penchant pour la mise en scène, développer nos aptitudes à l’abstraction et multiplier le champ de nos références littéraires.
Et puis, vous savez ce que c’est, à l’approche de la trentaine, écrire devient aussi cette impérieuse nécessité, la seule réponse envisageable à cette préoccupation nouvelle de chercher à se connaître mieux.
Un besoin d’introspection rendu indispensable par les doutes que suscite cette période charnière, carrefour de la vie, où l’on quitte la rue de l’Insouciance pour prendre, au choix, boulevard de la Sagesse ou impasse des Illusions Perdues.
On cherche alors par l’écriture à expulser un trop plein d'émotions, certaines trop sucrées, d’autres trop salées, ou bien encore à solder ses vieux stocks de souvenirs, trop acides ou trop amers pour être conservés davantage dans son arrière-boutique.
On peut vouloir soigner une angoisse intime, qu'elle soit purement bénigne ou tout à fait existentielle, ou bien encore combler un vide laissé par un départ, une absence, une question sans réponse... Mais, quelles que soient leurs sources, les raisons pour lesquelles on entre en écriture proviennent selon moi de tout sauf d’une volonté initiale de partage.
Dans cet état d'esprit, on s'attèle à sa table, on s'impose le délicieux supplice de la feuille blanche, persuadé ce faisant qu'on n'agit que pour soi, qu'on est dans une démarche unanimement égotique - l'amour envisagé suivant le seul angle de vue de son propre plaisir - et, sitôt après le premier contact malhabile de la main sur le grain si parfait de la feuille encore vierge, on s'aperçoit qu'une force vient finir les phrases sitôt qu’on les entame, qu'une âme sœur, quelque part, est non seulement sensible aux caresses que l’on ne destinait à personne d’autres qu’à soi-même, mais qu'en plus, elle les rend au centuple.
On se rend compte bien vite qu'écrire donne en retour, de façon si désintéressée, si univoque, que l’on se sent indigne de l'offrande ainsi faite, alors que, honteusement, on ne pensait qu'à son petit nombril.
Sans en être tout à fait convaincu comme je peux l’être aujourd’hui, je pensais déjà que les bienfaits de l’écriture pouvaient être conjugués à l’infini s’ils étaient le résultat d’un travail de groupe. Aussi, lorsque j’avais proposé à mes poteaux de m’accompagner dans la démarche, avais-je été heureux de constater que tous avaient suivi, en dépits de leurs craintes ou de leurs obligations, faisant preuve même pour la plupart d’un réel enthousiasme.
Un peu par hasard, et dans ce domaine Internet et sa toile sont de puissants catalyseurs, j’étais tombé sur l’annonce d’un concours de nouvelles, dont le thème, suffisamment large, m’avait semblé tout à fait adapté à notre initiation. Il s’agissait de proposer une fiction courte qui s’inspirerait le plus largement possible de ses souvenirs d’enfance. Le concours s’appelait ‘’Des nouvelles du passé’’, et outre l’intérêt que présentait le thème, ainsi que l’absence d’un règlement ardu, il présentait également l’avantage de nous laisser presque une année pleine avant sa date de clôture.
Pour notre première rencontre, nous nous étions seulement donnés pour consigne de proposer les possibles points de départ à notre histoire afin de sélectionner celle qui servirait de cadre à notre production collective.
Nous avions complété le règlement du concours d’un unique amendement, plus spécifique aux contraintes particulières qu’imposait notre volonté d’écrire en groupe : nous devions mettre en scène cinq protagonistes, un pour chacun d’entre nous, afin que nous puissions développer spécifiquement l’étude d’un personnage sur la base de nos propres souvenirs. Assurément influencés par le principe des jeux de rôle, ces aventures fictives que nous avions partagées lors de si nombreuses séances, nous nous proposions ici, de devenir en quelque sorte les personnages de notre propre récit.
Thomas avait commencé, nous entraînant avec lui dans ses alpes natales, sur fond de résistance, durant la seconde guerre mondiale. Devait venir maintenant la proposition de Marion ; Ensuite, suivrait celle d’Antoine, puis celle de Julie ; Enfin viendrait mon tour. J’avais d’ailleurs insisté pour intervenir en dernier.
Thomas fait partie de ces gens qui ne vivent qu’à travers des décharges d’adrénaline. Un de ces aventuriers des temps modernes qui ne lâchent leurs skis que pour la toile d’un parapente ou pour une planche de surf. Il rentre d’un périple de plusieurs mois autour du monde, parti à la recherche de LA vague, sur les meilleurs spots d’Australie, d’Indonésie, et des îles du Pacifique sud. Sa vie est déjà un roman. Il est né à Paris mais n’y a ni attache ni souvenir puisque ses parents en sont partis alors qu’il n’avait pas deux ans. Savoyard d’adoption, il aime à ce point la montagne qu’il y aurait eu peu de risques à parier qu’elle figurerait dans son histoire d’une manière ou d’une autre. De fait, il a effectivement choisi les Alpes comme décor à son récit.
Mais sa proposition ne me semblait pas vouloir recueillir une majorité de suffrages. Elle ne proposait pas suffisamment de quoi nourrir la curiosité et l'imagination de chacun. Julie se voyait mal dans une reconstitution de faits de guerre. Entrer en résistance dans les montagnes alpines pendant le second conflit mondial, n’avait rien selon elle de vraiment captivant. Sur ce point, je la rejoignais assez.
- Tu te rends compte, lança-t-elle, du travail nécessaire de documentation, si on choisit ton thème ! Tout ça, en plus, pour vivre des trucs vieux de plus d’un demi-siècle…
- C’est sûr, mais on n’a rien sans rien, plaida-t-il.
- On se calme, tempéra Antoine. On s’était mis d’accord pour présenter nos histoires de manière brute avant d’en discuter tous ensemble. Ce serait bien qu’on s’en tienne à ça.
- A ça et aussi à l’ordre préétabli, ai-je ajouté, en me tournant vers Marion, dont le tour arrivait.
- D’accord, avait conclu Marion. Alors, voilà la mienne.
Elle s’éclaircit la voie puis nous lut son incipit.


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